Le dépassement des frontières

Nous sommes dans un monde qui se construit par le dépassement des frontières : frontières nationales, linguistiques, culturelles, religieuses… Tout circule sur notre planète : l’argent, les armes, la drogue, l’information…mais pas les migrants.  La politique de la forteresse européenne présente les migrations comme une menace. Mais les vraies menaces viennent plutôt de la libre circulation des capitaux ! On protège les frontières plutôt que de protéger les migrants. L’expulsion prend le pas sur l’accueil. La dureté de la loi l’emporte sur l’humanité. Mais le respect des personnes n’est-il pas plus grand que le respect de la loi ? Les routes des migrations ne se ferment pas. Comment pourrait-on empêcher des migrants de passer les frontières alors qu’ils sont prêts à mourir pour le faire ?
Un drame qui n’en finit pas
En juillet 1999, deux jeunes Guinéens âgés de 14 et 15 ans avaient écrit une lettre aux « responsables d’Europe », pour demander qu’on aide leur Afrique et qu’on leur permette de faire des études : on les a retrouvés à Bruxelles, morts de froid dans le train d’atterrissage d’un avion. En juin 2000, 60 Asiatiques essaient de s’évader de leur lieu de misère : lorsqu’ils arrivent à Douvres, 58 d’entre eux sont morts asphyxiés dans un container hermétiquement clos. Chaque année, environ 1500 migrants périssent en Méditerranée, devenue un cimetière marin. La tragédie est immense !
L’accueil des migrants
En juillet 2013, le pape François décide de se rendre à l’île sicilienne de Lampedusa qui accueille beaucoup de migrants. Voyage œcuménique, prophétique, avec des paroles fortes qui secouent les consciences. François dénonce « la mondialisation de l’indifférence », « l’anesthésie des cœurs ». Il interroge « Qu’as-tu fait su sang de ton frère ? », « Qui a pleuré en voyant ces jeunes africains périr en mer ? » Le patriarche de Constantinople trouve aussi les mots qui interpellent : « Vous avez peur des réfugiés parce que vous ne connaissez pas leurs visages. Vous avez peur parce que vous ne connaissez pas leurs enfants. Vous avez peur parce que vous n’avez pas vu le regard de ces enfants ». Le pape prend dans son avion du retour à Rome, trois familles de réfugiés musulmanes. Un signe fort ! Mais le fait d’avoir pris des musulmans et non des catholiques suscita critique et incompréhension. Sans tarder, Le pape lance un vibrant appel aux catholiques : que les familles, les communautés religieuses, les paroisses, les diocèses s’ouvrent à l’accueil de l’étranger. Appel entendu. La communauté des Spiritains où je vis, s’est montrée partie prenante, accueillant afghans, irakiens, syriens, soudanais…Tous musulmans. Dans leur cœur, il n’y avait pas de place pour la rancune, la vengeance ou la haine. Une bénédiction pour la communauté. L’Eglise où qu’elle aille, quoiqu’elle fasse dans sa marche à travers les siècles, ne peut se détacher de la parole de Jésus : « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli »
Une Eglise qui se porte là où le peuple souffre, là où le sort de l’homme, de la femme et de l’enfant est en danger, devient prophétique pour l’humanité.

Jacques Gaillot, Evêque de Partenia
Paris, Mai 2019